Dreaming of Color
La vidéo comme L’absorption plastique du temps de l’espace.
Nikolas Chasser-Skilbeck est un jeune artiste vidéaste, en résidence à l’octroi à Tours, il poursuit son œuvre vidéo débutée à l’école des Beaux-arts de Bourges. Comme il le rappelle, avant d’être appelées plans, les différentes séquences d’une œuvre filmique furent nommées tableaux. Partant de cette déclaration, ses vidéos présentent de nombreux plans fixes, où l’image ne semble être qu’une photographie. Pourtant malgré un manque d’action, des micros mouvements perceptibles se révèlent aux yeux attentionnés du spectateur. Cette recherche est le jeu qui s’établit entre l’œuvre et son regardeur.
L’œuvre “Dreaming of Color” propose elle aussi une superposition. Nous découvrons l’espace par la déambulation d’un personnage. Un danseur emprunte un chemin serpentant sur les bords de Loire. L’espace s’active dans sa tridimensionnalité par cette circulation. Seule la silhouette évidée du personnage nous permet d’appréhender le paysage dans sa vraie nature, sa vraie chromatique. En effet le reste du paysage est obscurci. La figure est dédoublée et ses deux ombres négatives ( elles sont la lumière là où le reste n’est qu’obscurité) se rejoignent par de lents mouvements identiques. L’artiste compose comme une boucle vidéo et brouille un écoulement linéaire du temps. L’évidemment de leur corps donne une étonnante impression. Malgré une progression dans la profondeur de champ, leur désincarnation nous fait osciller entre la planéité de l’image et la tridimensionnalité de l’espace. L’espace et le temps se déconstruise dans une image surréelle et sursensorielle. La vidéo est le support d’un étirement spatio-temporel. La structuration habituelle de notre réalité est déformée, nous sommes confrontés à une œuvre qui joue de notre propre perception et ressenti onirique. En peinture comme en vidéo, le déplacement d’un personnage devient notre propre déplacement. Or désincarné, celui-ci n’est que l’image d’une complète artificialité. La vidéo propose une forme, une matérialisation autre de l’espace et du temps. La lenteur de l’image, son point fixe ainsi que le jeu sur le détail absorbe. C’est en concentrant notre attention que le dialogue s’instaure entre nous et l’image. L’absence de narration provoque un jeu uniquement sensoriel dans le ressenti d’une réalité vacillante et détournée. par Ghislain Lauverjat Doctorant en histoire de l’art