Etudes de solitudes
22.01.19
19:18
Le héron était toujours là ce matin, au même endroit que les jours précédents. Il est seul. Je me demande pourquoi il ne part pas. Sait-il au moins qu’il n’est pas le seul héron ? Pourquoi rester, la Loire, elle-même, part. Elle a froid. Tous se mêlent, mouettes, héron, fleuve, sable et peines. Il fait nuit. Si les lampadaires ne narguaient pas l’eau de leur reflet, l’eau éteinte serait invisible.
Là ou ailleurs, de quoi s’apaise-t-on. Qu’est-ce qui apaise le fleuve. Quand il se mêle à la grande ville des eaux qu’est l’océan, se sent-il plus puissant ou plus seul et petit ? Le poûl s’y accélère-t-il ou, perdu, se meurt-il. Peut-être le héron, les mêmes questions en tête, ne part pas par peur de la réponse. La Loire, comme le héron, m’apaise. Et elle apaise le héron.
Il y a des états universels, ceux que nous connaissons tous, que nous avons tous traversés; la solitude en est un. Je l’ai apprivoisée, observée, vécue, accueillie, discutée ces 3 derniers mois. Et j’en ai figé des instants. La solitude, bien qu’universelle, est aussi générationnelle. Celle que je vois dans la mienne s’enracine par les écrans, même si nous semblons tenter de la combattre grâce à eux. Ce n’est pas la solitude de la lecture, de la contemplation, de l’attente, de l’ennui, c’est la solitude de l’absorption, de la déconnexion. C’est la solitude à plusieurs, quand je te parle et que ton regard va à la technologie que tu tiens dans la main. C’est la solitude absurde, l’absurdité de la solitude. Ce sont des images de vie qui défilent, décousues, toutes en apparences, retouchées, filtrées, abandonnées au regard du monde, au flux de regards, aux regards hagards, et à ton propre regard face à ton reflet, des questions alourdissant tes états d’âme.
Anne-Lise Voisin