Je te rends mes souvenirs.
« En 2011, l’association Mode d’Emploi m’offrait ma première résidence d’artiste à l’Octroi de Tours lors de laquelle je créais la première installation de la série Composition. Ce travail, que j’ai continué à développer les 9 années suivantes, m’a conduit à réaliser une installation intitulée Rémanences que je considère comme l’aboutissement de cette recherche plastique portant sur la frontière de l’immatérialité.
Aujourd’hui, de retour dans ce lieu que j’affectionne particulièrement et qui fait partie de mon histoire d’artiste, je commence un nouveau projet portant sur l’impossibilité d’une transmission culturelle entre un père qui perd la mémoire et son fils : que pouvons-nous reconstruire de ce qui a été oublié, de ce dont la vie nous a dépouillé ?
Mon père est Marocain. Né à Fès, dans la ville du cuir, il termine aujourd’hui ses jours en France, immobile, assis dans son canapé. J’ai récupéré des chutes de cuir provenant de la confection de canapés, des lambeaux, pour reconstruire l’animal dont on a utilisé la peau. Ce geste métaphore, quête d’une mémoire dont il ne reste que l’enveloppe, recoud les fragments éparpillés dans l’oubli.
A l’étage, mon portrait écorché plonge son regard dans un linceul qui s’effile entre ses bras. Sablier mortuaire, le deuil blanc arrive lorsqu’un proche ne nous reconnait plus : nous perdons notre identité à travers le regard perdu de l’autre et nous lui en voulons alors d’être encore en vie.
Cette nouvelle exposition, baignée dans une nappe sonore dessinant le voile flou qui sépare la mémoire de l’oubli, est définitivement personnelle. Suspendus et perdus dans le temps, ces êtres-fragments deviennent la dernière trace avant la disparition. » Arthur Zerktouni