Systémique
« Les choses ont une vie bien à elles, il suffit de réveiller leur âme, toute la question est là … » disait Gabriel Garcia Marquez. Mais si les choses ont une âme c’ est qu’on veut bien leur prêter la nôtre. De ce que l’artiste propose, le public, qu’ il soit lecteur, regardeur ou auditeur, complète avec sa propre subjectivité, ses souvenirs, ses idées. C’est cette collaboration qui fonde l’imaginaire : investir la forme.
Face à la multiplication d’ images que propose internet dans notre ère culturelle, je m’interroge sur cette production d’une imagerie qui dédouble le monde sans pour autant produire du sens, un imaginaire, un terreau fertile et créatif. De ce constat mon travail s’ est ancré dans une réflexion interrogeant la perception du monde. Appartenant au champ élargi de la peinture, ma pratique trouve ses racines dans la déconstruction du tableau et de l’idée de peinture. J’ai d’abord étiré ces notions pour y joindre une porosité avec le contexte lumière – espace – environnement et bien sûr le corps. Ouvrant alors un espace pictural emprunt d’ une forte matérialité. Composés d’ objets et de matériaux mes « espaces » instaurent un rapport optique / haptique fort.
L’expansion du champ pictural s’ accompagne alors d’ une hybridation des médiums, je rassemble à présent peintures, sculptures, assemblages, photographies et vidéos. La mise en espace me permettant d’ explorer la relativité du point de vue et d’ inviter le spectateur à l’ exploration, à créer ses propres associations. Utilisant des matériaux pauvres, la question de la territorialisation de la peinture est une des clefs de ma réflexion. En effet les couleurs sont le plus souvent liées aux objets eux-mêmes et la composition relative à une mise en espace. Le caractère trivial des matériaux opère un pont entre le « faire tableau » et les perceptions que l’on retrouve dans le quotidien. L’ articulation du visible devient alors un héritage du pictural à travers la matière et sa spatialisation – Ce que je vois n’ est plus au devant de moi mais, dans la complexité du corps et de la forme : tout autour. Ceci me demande donc, pour me faire une idée, de multiplier les points de vues, de me mettre en mouvement. – Imprégnée de la phénoménologie ma production s’inscrit dans une forte matérialité, elle se développe dans l’ idée qu’ il n’y a pas de pensée sans corps. Ainsi les formes donnent à voir le geste et le processus de création, la connaissance se fait dans un rapport physique d’appropriation, de manipulation. Le corps de l’ artiste n’est pas performatif mais habite les choses et les espaces. Tantôt stratégie visuelle, tantôt matière, tantôt recouvrement, la peinture, par ellipse participe d’une pratique qui questionne la manière dont on voit le monde et comment les informations s’articulent. Par étirement concentrique de la pratique picturale j’interroge les rapports du visible et de l’ incarnation.